Muséographier la Solution finale : l'expérience de l'exposition française d'Auschwitz
Résumé
Le 30 septembre 1979, est inaugurée à Auschwitz l'exposition française (1). La cérémonie est placée sous la double présidence du secrétaire d'État français aux Anciens combattants et du ministre polonais des Combattants ; nous allons voir que leur place n'est pas usurpée. Deux États et un musée La création d'une exposition permanente française à Auschwitz a été décidée par l'article VI du protocole d'accord signé le 3 octobre 1974 par le secrétaire d'État aux Anciens combattants de la République française et le ministre pour les Affaires des Combattants de la République Populaire de Pologne. Tandis que la France assumait la construction du monument en l'honneur des combattants polonais à Paris, la Pologne prenait à sa charge la réalisation de l'exposition permanente française d'Auschwitz. Par lettre du 19 janvier 1976, le ministre polonais des Combattants précisait à son homologue français que l'exposition serait située dans le block 20, que « le sujet de l'exposition traitera des problèmes de la lutte et du martyre du peuple français au cours des années 1939-1945 » et qu' « il est proposé de confier l'élaboration du scénario aux auteurs français... La participation des auteurs polonais à l'établissement du scénario se limiterait donc à des fonctions consultatives et complémentaires. » Le secrétariat d'État aux Anciens Combattants a constitué une « commission consultative ». Présidée par le préfet Jean Perreau Pradier, conseiller technique, elle était chargée de définir le scénario qui serait soumis au ministre pour approbation. Cette commission, réunie en 1975, comprenait des représentants des associations de déportés (Amicale d'Auschwitz, Amicale des NN, UNADIF, FNDIRP), du Comité d'histoire de la seconde guerre mondiale et du Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon. Le secrétariat d'État aux Anciens combattants choisit l'équipe de
Besançon pour mener à bien cette exposition : Guy Langlois comme décorateur et nous-même comme historien. On peut s'interroger sur les raisons de ce choix. Sans doute est-il pour une part par défaut : à l'époque -1975 -le sujet n'est guère dans l'air du temps et les historiens travaillant sur cette période et ayant une expérience de la muséographie ne sont pas nombreux ; ajoutons que la possibilité d'utiliser une équipe toute constituée présente un avantage de simplicité et une garantie d'efficacité auxquels toute administration est obligatoirement sensible. Nous avons quelques raisons de penser, étant donnée la suite des événements, que le choix qui fut fait de notre personne comme historien de l'exposition a été sinon guidé, du moins facilité par d'autres considérations. Nous présentons alors un double avantage : une caution d'honorabilité scientifique, du moins telle qu'une administration peut la percevoir et la mesurer : agrégé d'histoire et recommandé par Henri Michel, alors tout puissant directeur du Comité d'histoire de la seconde guerre mondiale ; en même temps nous avons toutes les apparences de celui qui peut devenir aisément un « historien-maison » : notre air affable, notre expression généralement souriante, notre jeune âge (27 ans), plaident en faveur d'une docilité favorisant la bonne administration d'une affaire dont on espère qu'elle sera rondement menée.
Origine | Fichiers produits par l'(les) auteur(s) |
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